Renouvellement des agriculteurs et féminisation des métiers agricoles : enjeux et perspectives Date : 22/04/2024 Type : Actualités La profession agricole est en pleine mutation et fait face à une série de défis majeurs. Diminution du nombre d’exploitants, départs massifs à la retraite prévus dans les prochaines années, sous-représentation des femmes et difficultés d'accès au foncier, constituent autant d'obstacles à surmonter pour garantir l'avenir de l'agriculture française. Christian Reclus et Yasmina Bousraou-Koubaa, respectivement directeur général et secrétaire générale et directrice des ressources humaines d’Arterris répondent à nos questions. Comment relever ces défis auxquels fait face l’agriculture française, tant au niveau des exploitations que de la Coopérative ? Christian Reclus : L’avenir de ce secteur bien que préoccupant, n’est pas sans espoir. Il est essentiel de prendre des mesures concrètes pour garantir sa pérennité étant donné son importance vitale pour notre pays. Plusieurs axes d’action me semblent essentiels. Favoriser l’installation des jeunes : la diminution considérable du nombre d’exploitants agricoles, en baisse de 20% depuis 2010, est un signal d’alarme. Avec seulement 400 000 agriculteurs exploitants et plus d’un sur deux âgé de plus de 50 ans, la question démographique met en péril l’avenir de nombreuses fermes. Faciliter l’accès au foncier : c’est désormais un obstacle majeur à l’installation. La flambée des prix des terres agricoles, déconnectée de leur rentabilité, rend l’acquisition d’une exploitation difficile, voire impossible, pour de nombreux jeunes aspirants agriculteurs. Afin de remédier à cette situation, simplifier les démarches administratives et apporter des soutiens financiers s’avèrent indispensables. Que ce soit pour s’établir en tant que chefs d’exploitations familiales ou s’associer au sein d’entreprises de taille plus importante, afin de compenser un manque de capital. Promouvoir la féminisation des métiers agricoles : actuellement, les femmes ne représentent qu’un quart des chefs d’exploitation et sont largement sous-représentées dans les postes de responsabilité au sein des instances agricoles. Encourager leur participation active et créer des opportunités de participation, sont des mesures nécessaires. Développer l’innovation : c’est un facteur important d’attraction des jeunes générations, qui aspirent à une agriculture dynamique et connectée, mais aussi durable et tournée vers l’avenir. Aussi investir dans la recherche et le développement de nouvelles technologies, ainsi que de pratiques agricoles innovantes et durables est essentiel pour répondre aux attentes et aux besoins des agriculteurs de demain. Générer des vocations agricoles : l’agriculture peine à attirer la jeunesse d’où l’importance d’améliorer son image auprès du grand public. Cette démarche passe par l’éducation des jeunes à la réalité de ce secteur et à son importance dans la société, ainsi que par la déconstruction des stéréotypes. Comment accompagnez-vous les jeunes agriculteurs dans leur installation et leur développement professionnel ? CR : C’est le rôle de la Coopérative de s’adapter aux mutations du monde agricole, de former, et de préparer l’installation et l’avenir des jeunes agriculteurs. Afin d’accompagner ceux qui souhaitent s’installer et se développer économiquement, nous proposons aujourd’hui, un soutien individualisé. Notre offre comprend une gamme de biens et services adaptés à leurs besoins spécifiques, allant du choix des productions jusqu’au soutien technique pour les pratiques culturales. Yasmina Bousraou-Koubaa : Nous proposons également des programmes de formation et de soutien financier, comme le programme « Jeune Adhérent Partenaire » comprenant une formation et une aide financière de 5 000 €. Chaque année ce sont 50 à 60 jeunes qui bénéficient de cet accompagnement. Dans le même élan, nous proposons le programme national « Atouts Jeunes » aux adhérents désireux d’intégrer le Conseil d’administration. Cette formation permet aux participants d’acquérir de nouvelles compétences dans les filières de leurs exploitations et de préparer leur implication future au sein du Conseil, qui a décidé d’encourager activement la participation des femmes à cette formation afin de constituer un vivier de futures administratrices. Par ailleurs, nos techniciens commerciaux sont en contact avec les adhérents en cessation d’activités ou partant à la retraite. Ils facilitent ainsi la mise en relation entre ces agriculteurs et les jeunes à la recherche d’opportunités d’installation. Quelles actions sont entreprises pour favoriser la féminisation au sein d’Arterris ? YBK : La parité est un sujet important chez Arterris. Nous sommes engagés depuis plusieurs années dans la réduction des disparités et nous obtenons des résultats. Nous aspirons à ouvrir nos métiers traditionnellement masculins à une plus grande diversité, et la part des femmes augmente progressivement dans nos effectifs composés actuellement de 65% d’hommes et 35% de femmes. Nos efforts pour atténuer les écarts de rémunération entre les sexes portent aussi leurs fruits, notre index d’égalité femmes-hommes de 94/100 en témoigne. CR : Nous estimons que la diversité englobe aussi les générations. Notre objectif est d’avoir une représentation variée de toutes les tranches d’âge parmi nos effectifs, afin de bénéficier d’une richesse d’expériences et de perspectives. Nous ne souhaitons pas imposer une politique de quotas. Par exemple, depuis 2009, notre Comité exécutif, formé de 7 membres, compte 3 femmes, ce qui en fait un exemple significatif. Cependant, cette féminisation découle naturellement de leurs compétences et de leurs qualifications. Seulement 8,4% des administrateurs des coopératives agricoles sont des femmes, une disparité qui se reflète également au sein de notre propre Conseil d’administration, où seule une femme siège. Elle incarne la jeune génération et apporte son expertise ainsi qu’un regard neuf. Cependant, les candidatures féminines restent rares et nous devons les encourager. Notre Conseil souhaite que davantage de femmes rejoignent cette instance pour en assurer une représentation équilibrée et diversifiée. D’après vous, quels sont les freins à l’accès des femmes aux postes à responsabilités ? CR : Dans le monde agricole, comme dans d’autres secteurs, les femmes peuvent être confrontées à des obstacles pour accéder à des postes à responsabilités tels que siéger à un Conseil d’Administration. En particulier en raison des défis liés à l’équilibre entre vie familiale et professionnelle. Il est de notre responsabilité de déconstruire les préjugés, de soutenir les femmes pour qu’elles se sentent légitimes, et de les encourager à occuper pleinement leur place au sein des différentes instances. Elles ont un rôle essentiel à jouer dans l’élaboration de la stratégie et dans la préparation de l’avenir. Il est donc nécessaire de leur offrir des formations spécifiques pour les accompagner dans ce parcours. YBK : Dans le même esprit, nous souhaitons favoriser une représentation plus équilibrée au sein de nos différentes directions. La mixité doit être une réalité à tous les niveaux de la Coopérative. En 2023, nous avons organisé un séminaire axé sur le culot et l’audace pour briser le plafond de verre et encourager les femmes à surmonter l’autocensure. Nous observons une évolution positive, avec une meilleure capacité des femmes à prendre leur place et des exemples inspirants en interne. Comment sensibilisez-vous les jeunes ? YBK : Nous sommes conscients que nous ne pouvons pas agir seuls pour encourager les vocations agricoles. Nous collaborons étroitement avec les chambres d’agriculture, les institutions et l’enseignement. Par exemple, en partenariat avec l’AREA (association régionale des entreprises alimentaires), nous organisons des initiatives avec des écoles et des collèges, pour sensibiliser les jeunes à l’agriculture, de la culture des céréales à l’élevage des animaux. CR : L’agriculture française joue un rôle essentiel dans l’approvisionnement alimentaire de nos territoires, des collectivités et des cantines scolaires. C’est pourquoi nous considérons que notre mission comporte également un travail de sensibilisation et de communication. Nourrir la population, tout en préservant la nature et la biodiversité, est un travail noble et indispensable pour notre nation. Nous devons le faire savoir. 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